Imprimé depuis le site Archives du Formindep / publié le mercredi 8 décembre 2004

Critères de la Formation Médicale Continue obligatoire : quels contrastes !

Le 19 novembre dernier les trois Collèges Nationaux de Formation Médicale Continue (CNFMC) ont rendu leur copie [1]. Chaque collège de FMC, pour les libéraux, pour les hospitaliers et pour les salariés, a présenté ses propositions de critères d’agrément, de cahiers des charges et de grilles de validation des actions de la FMC obligatoire des médecins en France.
Quelle est la place accordée dans ces propositions des trois CNFMC à la transparence et à l’indépendance, critères validés et incontournables de la qualité de l’information ?

L’appel constitutif du collectif Formindep lancé en mars 2004 pour que les membres des CNFMC déclarent leurs conflits d’intérêts avait déjà permis de mettre en évidence les disparités professionnelles sur ce chapitre pourtant essentiel. Le CNFMC des salariés n’avait pas attendu l’appel du Formindep pour jouer le jeu de la transparence, celui des libéraux acceptait du bout des lèvres le principe de la déclaration de conflits d’intérêt de ses membres, le collège des hospitaliers se murait dans un silence gêné ou suffisant.

Quoi qu’il en soit, à ce jour aucune déclaration de conflits d’intérêts des membres de ces collèges n’est disponible, alors qu’ils ont déjà rendu leur première copie au ministre. La publication des propositions de critères de validation accroît encore cette impression disparate de trois poids, trois mesures.

Pour le CNFMC des salariés, la question de la transparence et de l’indépendance des formations semble prioritaire. Ce conseil rappelle de façon opportune que transparence et indépendance « participent à la qualité de la formation ».
Transparence et indépendance arrivent en tête de chapitre aussi bien pour les critères d’agrément d’un organisme de formation que pour le guide de constitution du dossier de demande.
Mieux : en ce qui concerne la grille d’évaluation du dossier de demande d’agrément, l’absence d’un seul des sept critères concernant la transparence ou l’indépendance entraîne le rejet du dossier, quel que soit l’outil de formation.

Pour le CNFMC des libéraux, autre son de cloche (fêlée). Pour ce collège, les préoccupations concernant la transparence et l’indépendance n’arrivent qu’en cinquième et sixième positions dans les critères d’agrément.
On se contente de demander une déclaration de conflits d’intérêts qui « ne concerne que les membres du bureau de l’association ou l’équipe de direction ». Pour les intervenants et les formateurs, on attendra. De plus il faut noter que « cette déclaration [...] est déclarative (sic !), mais n’a aucun caractère oppositionnel ».
Quand enfin on étudie la grille des barèmes horaires pour la validation des actions de FMC par les médecins, on constate qu’aucun critère d’indépendance et de transparence n’est demandé. Ainsi sont mises sur le même plan la lecture des journaux médicaux financés par les firmes, s’ils ont un test de lecture, et celle de revues indépendantes aux tests de lecture validés. On voit que les leçons ont été tirées de l’affaire du Vioxx® !
Les firmes peuvent dire merci, les patients moins.

Le comble semble atteint avec le CNFMC des hospitaliers. Celui-ci prend la peine d’expliquer que la question de la transparence des financements « nécessite une différenciation entre le financeur (total ou partiel) et le maître d’œuvre (l’organisation professionnelle ou l’association scientifique par exemple) ». Il précise bien sûr que « Le financeur respecte les principes d’indépendance du maître d’œuvre ». On cherche vainement ailleurs dans leur texte ce que doivent être ces principes d’indépendance, comment ils sont garantis, évalués, etc... Cette déclaration de bonne intention, totalement insuffisante, révèle clairement le refus de ce conseil d’avancer sur ce point.

A la lecture de ces documents le contraste semble saisissant entre les médecins français selon leur mode d’exercice : depuis des professionnels salariés engagés dans une authentique démarche de qualité, où transparence et indépendance ont la place correspondant aux connaissances scientifiques actuelles en matière de qualité des soins, jusqu’aux professionnels libéraux et hospitaliers, refusant d’aborder de façon lucide et responsable cette question.

Cette différence, inquiétante pour la santé des patients et indirectement pour les dépenses de santé, est-elle en rapport avec le niveau d’intrication des professionnels de santé avec des intérêts commerciaux autres que ceux des patients ?
Poser cette question est déjà y répondre. « Il est temps de dépêtrer les médecins des firmes pharmaceutiques », titrait le British Medical Journal en mai 2003 dans un numéro spécial consacré à cette question. Effectivement !

Une harmonisation des travaux des trois conseils est prévue. Quand on constate de telles disparités, on peut se demander si elle ne relève pas du vœu pieu, pour rester dans l’euphémisme.

Les professionnels de santé indépendants et les patients regroupés au sein du collectif Formindep encouragent vivement ceux des membres des conseils nationaux de FMC qui ont réellement compris l’enjeu de la transparence et de l’indépendance de la formation, à résister fortement aux tentatives d’harmonisation par le bas qui ne manqueront pas de se faire jour devant une telle situation.

Ne l’oublions pas : au-delà de la qualité de la formation, c’est bien la qualité des soins aux patients et la santé publique qui sont en jeu là aussi.


[1l’intégralité de ces textes peut être téléchargée sur ce site - à notre connaissance, les CNFMC n’ont pas jugé bon de les rendre disponibles.