Imprimé depuis le site Archives du Formindep / publié le jeudi 12 juillet 2007

Un article de Martine Devries, médecin généraliste, membre du Formindep

Du nouveau en substitution ? Pas si sûr...

Le Subutex, dont la dénomination commune internationale est buprénorphine, est utilisé en France depuis 1996, pour le traitement de substitution des toxicomanes à l’héroïne. La substitution par buprénorphine est considérée comme un réel progrès dans la prise en charge de ces patients, tant sur le plan des soins que sur la réduction des risques [1] [2]. Il est notoire aussi qu’il fait l’objet de trafic et d’utilisation non réglementaire, mais il y a des divergences sur l’ampleur du phénomène qui est souvent exagérée. La revue de l’Assurance maladie considère, en 2000, que 10 % des patients substitués ont un comportement en rapport avec un possible mésusage [3].

C’est la firme Schering-Plough qui commercialise ce médicament, le fait connaître, et fait ainsi un chiffre d’affaires très conséquent puisque, prescrit à 80 000 patients, le Subutex® est devenu le 2e médicament, en valeur, remboursé par l’Assurance maladie. Ce médicament est cher. Dix ans plus tard, en 2006, le brevet de la buprénorphine tombe dans le domaine public, un générique apparaît. Il est vendu, entre 15 et 20 % moins cher que le princeps.

Depuis le début de l’année, curieusement, plusieurs tentatives de discréditer ou de remplacer la buprénorphine se succèdent :
 La tentative, heureusement repoussée in extremis, de faire passer la buprénorphine en catégorie de « stupéfiant », ce qui aurait multiplié les contraintes administratives pour les pharmaciens, et en aurait donc dissuadé certains d’assurer ce service ; ils auraient été moins nombreux à le faire, et l’accès aux soins pour les patients toxicomanes se serait compliqué. Mais ce danger a été écarté, pour le moment.
 La prochaine mise sur le marché, toujours par Schering-Plough, de la Suboxone. La Suboxone est une association de buprénorphine et de naloxone (commercialisée en France sous le nom de Narcan®) dans un même comprimé. La naloxone empêche l’action de la buprénorphine dans l’organisme, mais elle ne passe pas la barrière digestive, elle ne pénètre pas lorsque le patient ingère le comprimé, comme il est censé le faire. Prendre de la Suboxone par voie orale, comme c’est prescrit, revient à avoir l’effet de la buprénorphine.

Mais si le patient injecte le comprimé dilué, comme il ne doit pas le faire, à ce moment-là, les deux substances s’annulent et le patient se trouve en état de manque. Cette présentation a donc pour but de dissuader les patients d’injecter la buprénorphine. Les études montrent qu’il y a peut-être, pour certains patients, un bénéfice, mais il est faible [4]. La baisse attendue du trafic de buprénorphine reste à voir. Par contre, pour la firme Schering-Plough, il y a un véritable intérêt à faire prescrire de la Subuxone, sous brevet, plutôt que de la buprénorphine, maintenant génériquée !


[1Conférence de consensus juin 2005

[2Revue Prescrire - Buprénorphine en traitement de substitution (suite) : un intérêt confirmé - 2005-n°264 pp603-611

[3Claroux-Bellocq D et coll., les traitements de substitution aux opiacés en France métropolitaine en 2000 - RevAssMaladie 2003-34,2-93-102

[4I. Lacroix La suboxone dans la dépendance aux opiacés Bulletin d’Information de Pharmacologie de Toulouse BIP 2004 10 1