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A l’heure où la psychiatrie française connaît des attaques d’une violence sans précédent venues du plus haut niveau de l’Etat, il est sans doute légitime et indispensable que notre profession s’interroge et réagisse. Comment en est-on arrivé là ?

Il y a évidemment de multiples raisons qui ont conduit, non pas tant à la dérive ultra sécuritaire bruyamment annoncée et déjà mise en œuvre [1], mais à ce que cette charge dirigée d’abord contre les patients trouve un accueil relativement consentant dans la population générale. Ce sont essentiellement des professionnels, et pas uniquement des psychiatres, qui sont à l’initiative de l’action collective de protestation rassemblée sous l’intitulé « La nuit sécuritaire ». Il sera facile d’épingler quelques agités de la cafetière ou soixante-huitards attardés pour ridiculiser un mouvement dont les familles et amis de patients ne sont pourtant pas absents.

Un de nos confrères, Olivier Labouret, a publié récemment un livre qui devrait, me semble-t-il, susciter beaucoup d’échos [2]. Ni pamphlet ni réquisitoire, il s’agit plutôt d’un état des lieux de notre discipline, dont je dirais presque qu’il est « terrifiant ». L’auteur s’appuie sur une bibliographie très impressionnante, notamment sociologique et philosophique, pour montrer à quel point le malaise de la psychiatrie est en résonance avec le malaise social. Rien de bien original, me dira-t-on. Certes, mais Olivier Labouret fournit des preuves à l’envi, ad nauseam. Cette formule ne concerne évidemment pas son livre, mais l’effet produit par l’inventaire des innombrables dérives, scientistes, sécuritaires et managériales. La psychiatrie prise au piège ? Oui, en quelque sorte, n’ayons pas peur de le reconnaître, ni de reconnaître qu’elle y a probablement sa part de responsabilité. Mais n’est-il pas trop tard pour s’en aviser ?

C’est pourquoi, comme me le faisait très aimablement remarquer un directeur d’hôpital, notre Colloque européen de Budapest en mai prochain, consacré à la « désinstitutionalisation », n’est-il pas complètement à contre-courant, en tout cas en ce qui concerne la France ? Probablement, mais cela ne nous empêchera pas de le tenir, surtout avec le soutien de nos nombreux collègues et amis, notamment de Hongrie, d’Italie, d’Allemagne et d’Autriche.

Pour ce qui est de la question politique, les Hongrois ont eu à subir la fermeture brutale – sur décision du gouvernement socialiste - fin 2007 de l’OPNI (Institut National de Psychiatrie et de Neurologie, fondé en 1868), fermeture qui a été qualifié de « tsunami » pour la psychiatrie hongroise, dispersant patients, équipes et médecins dans d’autres hôpitaux de la ville, dans le meilleur des cas. Cette « désinstitutionalisation » (mot « dysarthrique », selon le Professeur Laszlo Tringer) à la manière forte n’a pas conduit à une recrudescence de la criminalité de la part des patients, ni à un débordement massif des structures de soins restantes. Mais nos collègues ne sont pas vraiment enclins à l’optimisme. Les Italiens, quant à eux, sont quand même sortis renforcés de l’expérience de désinstitutionalisation menée depuis 1978 à l’échelle de tout le pays (avec des résultats certes parfois encore très inégaux selon les régions), grâce à la loi 180, dite loi Basaglia. A l’heure actuelle, une régression dans les pratiques psychiatriques, comme celle qui nous menace en France, paraît proprement inconcevable, en raison du poids des associations de familles, de l’existence de nombreux réseaux et aussi, last but not least, d’une conscience politique forte de nos collègues. Grâce aux colloques organisés par le Docteur Lorenzo Toresini (qui fut l’élève de Basaglia), dans son fief de Merano, j’ai pu prendre contact avec la psychiatrie « no restraint » et apprécier les évolutions encourageantes en cours dans les ex-Républiques soviétiques, même si elles se heurtent au manque de moyens.

Nous autres psychiatres français sommes peut être insuffisamment aguerris au combat politique en faveur de notre spécialité. Les Etats généraux de la psychiatrie, présidés en 2003 à Montpellier par Hervé Bokobza, avaient été un « signal fort », comme on dit souvent, mais apparemment sans écho durable. Même s’il n’y a évidemment aucun lien de cause à effet, le drame de Pau, en décembre 2004, a été hélas un signal autrement plus fort, qui a mobilisé ensuite le monde politique avec la mise en place d’un plan Santé mentale, accompagné de financements [3]. Mais la psychiatrie, en plus des faits divers assez scandaleusement exploités par le pouvoir politique, subit encore d’autres circonstances adverses, ainsi que le rappelle aujourd’hui Hervé Bokobza dans une remarquable interview donnée au Monde : « Or, depuis des années, une conception biomédicale, qui privilégie les traitements médicamenteux, tente d’imposer ses vues. En ce sens, la responsabilité de la majorité des psychiatres universitaires est engagée, car l’enseignement et la formation dispensés empruntent ce chemin réducteur et induisent une véritable rupture avec notre histoire. On vise à transformer les artisans que nous sommes en des techniciens corvéables et interchangeables. » [4].

La désinstitutionalisation ne signifie pas l’abandon de tout traitement médicamenteux, pas plus qu’elle ne s’accommode de tout ramener au fameux « biopsychosocial ». Lorsque le thème du colloque de Budapest a été retenu, il y a plusieurs mois, nous étions dans l’avant Discours-du-2-décembre du Président de la République. Ce discours, pour les plus pessimistes d’entre nous, sonne le glas de l’ouverture des services psychiatriques sur la cité, tandis que la déjà tristement célèbre loi HSPT (Hôpital, patients, santé et territoires) sonne celui du secteur… Nous avons cependant maintenu le cap, pour des raisons politiques également : il s’agissait de renforcer la dimension européenne de notre rencontre, de nous rappeler à nous-mêmes et, nous osons l’espérer, à nos amis européens, qu’ils soient ou non travailleurs de la santé mentale, que cette même Europe, dans ses instances les plus officielles [5], avait engagé un débat et un mouvement en faveur de la déstigmatisation des patients atteints de troubles mentaux (Helsinki 2005, Bruxelles 2008). La France peut-elle, seule en Europe, revenir cinquante voire deux cents ans en arrière, comme disent les plus polémiques d’entre nous ?

Revenons maintenant une dizaines d’années en arrière : avec la chute de l’URSS et l’ouverture des frontières qui a suivi, nous avons été nombreux à emprunter les routes qui mènent à l’Est du Vieux-Continent. L’Association Piotr-Tchaadaev (Versailles), fondée en 1996 sous la présidence du Docteur Alexandre Nepomiachty et disposant d’un numéro français de FMC, voulait développer des liens de coopération essentiellement avec la Russie au départ. Un Congrès à Saint-Pétersbourg, « La Psychiatrie comme dialogue », avait eu beaucoup de succès en 1997, mais les évolutions politiques qu’a hélas connues ce grand pays nous ont conduits à nous recentrer sur l’Europe… centrale. Après une première réunion franco-tchèque à Prague en 2003, c’est la Hongrie qui nous a chaleureusement accueillis tous les ans depuis 2004, notamment grâce à l’Association des Médecins francophones de Hongrie (présidée à l’époque par le Docteur Peter Temesvari) et à la Société hongroise de Psychiatrie (dont le Professeur Laszlo Tringer est président d’honneur) et au soutien très réel et très constant du Service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France à Budapest. Notre petite association a su développer des relations de confiance et d’amitié avec ses interlocuteurs sur le sol hongrois, qu’ils soient nationaux ou français. Et tout ceci sans le moindre sponsoring…

Les règles de cette indépendance complète par rapport à l’industrie pharmaceutique sont simples : les manifestations sont toujours d’accès entièrement libre et gratuit, les intervenants de l’Europe de l’Ouest se déplacent à leurs frais (et nous avons toujours trouvé des volontaires, dont certains très fidèles au rendez-vous de mai à Budapest), tandis que les nationaux n’ont que des frais limités (cette disposition était destinée au départ à nos collègues russes, mais les écarts entre nos revenus et ceux des médecins de l’Europe centrale et orientale restent très importants, surtout dans le public), qu’ils interviennent comme orateurs ou qu’ils participent comme auditeurs. En revanche, nous avons sollicité et obtenu l’aide du Service de coopération de l’Ambassade de France, installé dans le célèbre Francia Intezet, et cette année celle de l’Institut Italien de Culture de Budapest, ainsi que du Goethe Institut de la capitale hongroise. C’est dire à quel point l’initiative s’est élargie et « européanisée », dans une dimension qui touche à la science et à la culture européennes, mais aussi à la citoyenneté européenne. Ces rencontres n’étant pas réservées aux professionnels, le public habituel des instituts peut assister aux conférences et aux débats, l’Institut français assurant même un service de traduction simultanée.

Rappelons aussi que, dans le même esprit associatif et dépourvu de sponsoring, nous en serons, avec celle de mai prochain, à la cinquième exposition d’art-thérapie organisée entre ateliers d’art français et hongrois, puis roumains et italiens.

En attendant de voir comment se déroulera la 6ème rencontre de psychiatrie et de psychanalyse « Un Divan sur le Danube », nous pouvons déjà affirmer que notre démarche indépendante, bien sûr au prix de certains efforts, a pu s’inscrire dans la durée et dans l’espace européen sans avoir à vendre son âme, les différentes sociétés savantes et institutions culturelles nous ayant toujours accueillis avec intérêt et respect pour notre travail.

Jean-Yves Feberey

Psychiatre des Hôpitaux

Post Scriptum :

6ème Rencontre Européenne de Psychiatrie et de Psychanalyse à Budapest, 20-21-22 mai 2009

« Un Divan sur le Danube » : LA DESINSTITUTIONALISATION, UN DEFI POUR LA PSYCHIATRIE DU 21ème SIECLE

Renseignements : piotr-tchaadaev@wanadoo.fr

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