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Male
Publié le 22 avril 2017 sur formindep.fr
Non seulement nous n’appliquons pas ce que nous savons sur le phénomène de dépendance, mais, male, dédaignant la Raison, nous persévérons diaboliquement dans nos erreurs. Mal est un préfixe qui inverse le sens du mot : malheureux, maladroit, malhonnête…
L’espéranto en a fait un adverbe, male, qui signifie "Tout au contraire"((En espéranto, tous les adverbes se terminent par « e », prononcé « é ».)).
Dépendre d’un comportement, d’un produit, c’est le considérer comme aussi indispensable à la vie que boire, manger ou respirer. Comment imaginer une vie sans cigarette, pense le fumeur. Oui, elle TUE, c’est écrit sur le paquet. Il le sait mieux que tout autre. Il est le plus informé des risques du tabac. Il a même peut-être vu mourir son père d’un cancer du poumon. Mais il s’estime du côté de sa mère, où on ne connaît pas de cancer. Et chaque cigarette lui confirme cette invulnérabilité. Hormis quelques périodes où il a réussi à s’arrêter, qui auraient dû lui prouver que ce n’était pas mortel, il n’a en général pas passé une journée sans fumer. Sa toux du matin, la petite douleur du mollet lorsqu’il marche un peu vite signalent qu’il est déjà malade du tabac.
Que fait un médecin face à un malade ? Certes, il soigne. Mais il devrait aussi éloigner son patient du danger. Il sait d’ailleurs très bien prodiguer des conseils, pas toujours judicieux. Il commence à peine à demander systématiquement à son patient s’il fume, quand la véritable raison de la consultation est l’angoisse et la culpabilité que vient de déclencher la propagande antitabac. Car malgré des rodomontades, sa dépendance lui pèse. Beaucoup des cigarettes qu’il allume automatiquement, presque inconsciemment, ne lui apportent plus aucun plaisir, ne faisant que soulager le manque qu’a créé la précédente. Il souffre de cet esclavage. Il se sent coupable. Bien souvent, le médecin le culpabilise : Si votre dernière cigarette n’a pas DÉJÀ été fumée, je renonce à vous soigner disait à mon oncle, ce grand professeur spécialiste des artères. Quelle exclusion !
La société aussi fait peur. On n’oublie aucun petit risque. Aux cancers, on ajoute les dents jaunes. Elle culpabilise : le fumeur manque de volonté ; sous prétexte de l’aider à la développer, on lui propose un défi irréalisable s’il n’est pas déjà mûr dans sa tête pour arrêter : Un mois sans tabac((http://www.formindep.org/Le-Moi-sans-tabac.html)). Inconcevable, pour lui qui ne peut tenir 24 heures ! C’est l’échec programmé, qui ne fera que l’enfoncer dans son sentiment d’impuissance coupable. Il tue son voisin par sa fumée passive((Molimard. R. Le rapport européen « lifting the smokescreen » : étude épidémiologique ou manipulation. http://www.formindep.org/L-article-integral-du-professeur.html)). Il ruine la Sécurité sociale : de savants statisticiens calculent combien les fumeurs coûtent en arrêts de travail, hospitalisations, opérations chirurgicales, médicaments. Sauf qu’en mourant d’un cancer à 60 ans, un fumeur a cotisé pour une retraite qu’il ne prendra pas et que, s’il n’avait jamais fumé, il mourrait quand même, beaucoup plus tard, et coûterait alors beaucoup plus cher à la collectivité. Car à sa retraite s’ajouteraient, aux mêmes soins médicaux, l’assistance pour infirmités et dépendance liés à la vieillesse.
Le fumeur est la seule et unique victime de son tabagisme. Il paie sa fume à la fois de sa santé et de son argent. La société devrait le protéger : male, elle le pénalise en prétendant que le prix du tabac n’est jamais suffisamment élevé pour être dissuasif. C’est oublier qu’une dépendance ne se plie pas aux lois de l’offre et de la demande. Ressenti comme vital, un tel besoin doit être satisfait à tout prix. Ce sont les pauvres qui fument le plus. On se met à fumer quand on devient chômeur((Jusot F, Khlat M, Rochereau T, Serme C : Job loss from poor health, smoking and obesity : a national prospective survey in France. J Epidemiol Community Health. (2008) Apr ; 62 (4) : 332-7)). Le budget annuel du tabac peut dépasser deux mois de salaire au SMIC. Alors on fume plus dangereusement, des mégots, du tabac de contrebande, des feuilles mortes. La société fait des dépenses dérisoires de prévention. Un fumeur qui roule des mégots décidera t’il de s’arrêter parce que le paquet est désormais neutre ? « On juge un arbre à ses fruits » (Saint Mathieu). En vingt-cinq ans, la loi Evin a fait baisser les ventes de cigarettes, mais un tiers des Français fument toujours, et les buralistes manifestent parce que les ventes se font dans la rue, sous leurs yeux, et qu’un quart leur échappe((Eradiquer le tabac, une utopie ? Pratiques n°72 (2016), p 46)). La politique de prévention est donc clairement un échec. Pourquoi continuer à soutenir le contraire et préconiser son durcissement ?
Déjà je souhaiterais qu’on considère le fumeur comme un être souffrant qu’il serait bien de ne plus accabler et fustiger. Une réaction de défense le fait s’enfermer dans un déni, une forteresse à la Vauban qui le rend imperméable à tout message de santé((Falomir Pichastor J.M, Mugny G. Société contre fumeur : Une analyse psychosociale de l’influence des experts Presses Universitaires de Grenoble 2004, 296p. http://www.pug.fr)). Plutôt l’informer sur les mécanismes de sa dépendance. Parmi eux, la force qu’a prise la répétition du geste dans les circonstances où l’on consomme devient aussi puissante que le besoin réel du produit. Ainsi, des rats habitués à recevoir une injection intraveineuse de nicotine lorsqu’un signal sonore et lumineux accompagne la pression du levier qui la commande deviennent dépendants de ce seul signal son et lumière après qu’on a supprimé la nicotine de la solution injectée((Cohen C., Perrault G., Griebel G., Soubrie P. Nicotine-Associated Cues Maintain Nicotine-Seeking Behavior in Rats Several Weeks after Nicotine Withdrawal : Reversal bythe Cannabinoid (CB1) Receptor Antagonist, Rimonabant (SR141716) Neuropsychopharmacology (2004) p 1-11)). On ne se débarrasse jamais vraiment d’une habitude. Mais on peut la supplanter par une autre habitude. Par exemple, décider de ne pas allumer une cigarette dans une circonstance qui appelle à fumer. Après avoir répété une vingtaine de fois cet exercice, le contrôle deviendra automatique. Engager à faire des essais d’arrêt, mais ne pas considérer l’insuccès comme un échec, mais comme une étape vers une maturation de l’esprit, jusqu’à ce que continuer à fumer devienne impossible. Je ne vois rien de tel dans le discours officiel.
Ni les interdictions, ni la répression ne parviennent à contrôler les addictions. Plus on rend difficile l’accès au produit, plus les moyens illégaux de se le procurer fleurissent. Achats transfrontaliers de cigarettes, conséquence des inégalités de prix en Europe, contrebande venant à travers le Monténégro. La culture du cannabis dans les placards se développe, tandis que l’augmentation des saisies ne fait que traduire l’augmentation du marché parallèle. Les règlements de compte à Marseille font peut-être plus de morts que la drogue elle-même. La Raison voudrait qu’on cherche à sortir de ce cercle vicieux. Colbert avait compris le pouvoir addictif du tabac et, à la fois, les bénéfices à en retirer et la nécessité de le contrôler, en créant un monopole d’État de sa vente, puis de sa fabrication en 1681((http://www.formindep.org/Herbe-ecole-et-Colbert.html)). Nul doute qu’il eût préféré que l’argent du cannabis remplisse les caisses de l’État plutôt que les poches des maffieux. On ne peut strictement interdire et parfois férocement réprimer l’usage de drogues. Leur diffusion même correspond à un besoin. Elle répond à la demande. Il faudrait diminuer leur dangerosit
é. Mais au contraire, l’absence de contrôle de qualité permet à des contrefacteurs chinois d’envoyer en France des cigarettes au contenu aléatoire, pleines de déjections de rats, à la résine de cannabis d’être édulcorée au cirage ou au henné, et aux trafiquants de se faire une guerre, à qui fournira le taux le plus riche en tétrahydrocannabinol. Et maintenant, après avoir amorcé le marché grâce à quelques adeptes prêts à payer cher leur dose, artistes, politiciens, ils ont compris qu’une masse d’utilisateurs rapportait davantage, et se font la guerre des prix. Si l’État par une politique de dépénalisation, décidait de vendre du cannabis dans les bureaux de tabac pour tarir la source des revenus maffieux, il faudrait qu’il compte sur cette concurrence. Il ne pourrait lutter contre le trafic qu’en proposant un cannabis de qualité contrôlée en poursuivant la répression des ventes hors réseau, afin de dissuader les consommateurs de prendre des risques inutiles. Mais la bataille est rude, entre libéraliser, dépénaliser et … continuer à faire tout le contraire.
Quelle bataille, face à l’extension du SIDA, pour obtenir d’utiliser la méthadone, et les seringues stériles ! Que d’oppositions à l’ouverture d’une seule salle d’injection, qui fasse sortir enfin le toxicomane de son statut d’exclu.
Robert MOLIMARD
Cet article a déjà été publié dans la revue Pratiques, Tout le contraire (2017) n° 77, p20-1.
Il est reproduit ici avec l’accord gracieux de la revue.
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